DENISE : « LIRE et FAIRE LIRE »

Témoignage DENISE « LIRE et FAIRE LIRE »

Je commence une nouvelle activité : la lecture à des enfants pour leur donner le goût de lire des livres. Sur les conseils de Monique, je me suis inscrite à l’association « lire et faire lire », née d’une idée d’Alexandre Jardin en 1999. Les lecteurs sont des personnes de plus de 50 ans qui rejoignent des jeunes, de la crèche jusqu’à la 5ème en collège.
Nous sommes affectés dans un établissement proche de notre domicile. Nous choisissons les classes que nous rencontrons.
L’association m’a mise en lien avec une classe de Cours Préparatoire du groupe scolaire Jean-Paul Marat à 10 minutes à pied de l’appartement.
Le lecteur choisit les livres et lit. Il montre en même temps les images pour un groupe de 6 enfants.

Le 18 novembre, j’ai effectué la première séance, en fin de journée pour les enfants.
Mes auditeurs sont divisés en 2 groupes puisqu’ils sont 12 dans la classe. Nous nous tutoyons. Ils m’appellent Denise.
Le premier groupe est composé de Mariam, Mohamed, Thalia, Kawtar, Zeynep, et Asra.
Le second d’Abdurrahman, Shahine, Steeve, Yassine, Chérine, et Salman arrivé en juin d’Afghanistan. Je suis étonnée qu’il n’ait pas pu bénéficier d’une classe d’intégration pour apprendre le français. Il comprend très peu ce qui se passe autour de lui, il bouge beaucoup, ce qui n’est pas facile à gérer.
Asra a osé me demander mon âge. J’ai répondu 68 ans. Zeynep a dit « ma mamie elle a 56 ans ».La première séance m’a fait rencontrer une instit. Ce soir-là elle était fatiguée, nous nous
sommes vues juste après le départ des enfants et rapidement. Une autre fois, je l’ai revue. Elle était sympa. Cela m’invite à ne pas en rester à la première impression et à faire preuve de bienveillance.

Au vacances, il y a changement de classe. Six séances, c’est un peu court pour nouer des liens avec nos auditeurs d’autant plus que nous n’avons que 20 à 25 minutes avec chaque groupe. C’est tout juste le temps de lire 2 livres sans que nous puissions vraiment permettre aux enfants de réagir à ce qu’ils ont entendu.

De la Toussaint à Pâques j’ai donc eu trois classes 1 CP et 2 CE1. Jessica (instit en CP) n’est pas vraiment d’accord avec le projet qui nous demande de lire aux enfants en répondant seulement aux questions à la fin de l’histoire. Mme C., elle, était tout à fait d’accord. J’ai senti ses élèves beaucoup plus attentifs, Elias, Asmane, Léo, Oussman,Mélina, Liam, Aleyma, Mohamed, Lina, Deznet, Kassem, Anes, moins bagarreurs. Quant à Mme H., je ne sais pas comment l’action lui a été présentée.
Elle aurait aimé que je prenne les 10 enfants d’un coup, Nada, Saalia, Meriem, Wasil, Amine, Endrace, Bouya, Kayane, Nassim, Ramzi. Peut-être pensait-elle se libérer du temps pour préparer un travail qu’elle avait prévu pour ses élèves… Les enfants étaient là parce qu’il le fallait. Ils avaient de grandes envies de chahuter.

J’ai été heureuse de rencontrer des enfants du quartier. Je ne m’attendais pas à n’avoir aucun prénom de chez nous. Je dois reconnaître que les cités du Gâtinais, la Convention, Saintonge, sont peuplées de personnes venues d’ailleurs. L’école est un reflet des familles qui habitent ce quartier. Où est la mixité sociale ?

Je ne suis pas sûre que chaque enfant ait, dans sa famille ou ses proches voisins, une personne capable de l’aider à apprendre à lire.
Je vais essayer d’ouvrir avec eux une fenêtre sur autre chose que leur quotidien de la cité (les guetteurs, les dealers, la police) Je désire être là pour eux, tout simplement et gratuitement, leur montrer du beau dans un moment paisible. Ils habitent un quartier défavorisé. Si, nous les adultes en relation avec eux, nous pouvons leur apporter de l’attention, leur faire comprendre qu’ils sont aimés et respectés, ils auront conscience, peut-être, qu’ils ont la possibilité de réaliser leur rêve, de découvrir autre chose que ce qui les entoure (des immeubles en démolition).
Ces enfants ont certes moins de chance de devenir cadres supérieur que ceux qui vivent dans des quartiers sans soucis avec des parents qui peuvent les aider dans leur scolarité. Mais ils sont capables de se passionner pour un métier, devenir référence pour la profession.

Ces petits écoliers sont l’avenir de notre société, de notre planète. C’est important de leur donner le goût de regarder ce qu’ils vivent, les inviter à faire des projets de vie qui ne soient pas l’argent facile, les aider à ouvrir les yeux et le cœur sur le monde à la manière de l’ACE pour qu’ils deviennent des citoyens responsables.

Me revient la Parole de Jean XV, 15
« Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les préserver du mal ».

J’ai choisi ce verset, parce que Dieu aime ces enfants. Si je les aime c’est lui qui m’en rend capable. Le Père veut le bonheur de toute la famille humaine. Dans ce quartier difficile, il y a aussi des personnes qui mettent leur énergie au service de leurs voisins pour bâtir un monde où chacun ait sa place.
Cette période de rencontre régulière avec ces jeunes écoliers m’a fait découvrir leur besoin de vivre avec des personnes plus âgées : leurs grands-parents sont importants pour eux. Les images rappellent les montagnes près de chez mamie en Algérie : « les moutons sont pareils à ceux de papy en Tunisie ». Même si la distance qui les sépare ne leur permet pas de se voir souvent, ce lien familial est essentiel pour se construire humainement.

Mes cheveux blancs, le besoin d’être assise et de m’appuyer sur une béquille pour marcher, les ont interrogés. Aucun n’a tenté de jouer avec cette aide essentielle pour moi. J’ai senti de leur part du respect pour une dame plus vieille que leurs ainés. Cette expérience au service d’une école primaire, me conforte dans mon désir de prendre ma place dans ce quartier multiculturel et cultuel, pour annoncer, par l’action, le vivre ensemble et l’amour les uns pour les autres que le Christ nous invite à vivre là où nous sommes plantées.
Accepter la différence en la vivant tout simplement, sans chercher à convaincre m’a fait grandir dans ma foi en Dieu Père, Fils, et Esprit.

Le fruit de cette première année ? Je désire continuer l’an prochain et aussi longtemps que cela me sera possible !

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