OBEIR ?

OBEIR ? Odile partage comment elle vit cette dimension dans le quotidien de ses journées.

 Tout d’abord, je pense que « Obéir » est constitutif de notre être. Très vite, les parents donnent des repères à leurs enfants, et l’enfant apprend à obéir. « Non, tu n’auras pas de dessert si tu n’as fini de manger tes légumes. », « Je ne veux pas aller à l’école, aujourd’hui. Je reste à la maison », et la maman de répondre « mon petit, tu n’as pas le choix. Tu n’es pas malade, tu vas à l’école » etc…Plus tard dans la vie de travail, très souvent, on ne nous proposera pas de choix…Je pense aux soignants qui refusent d’être vacciner. Le contrat de travail est suspendu. Etre citoyen demande d’obéir.

Pour moi religieuse, le vœu d’Obéissance s’enracine sur deux piliers fondamentaux :

  1. La Parole priée, « ruminée », chaque matin. Que cette Parole s’incarne en moi, qu’elle me nourrisse pour la journée. Que mon être profond en soit imprégné toujours plus, afin que ma présence à ceux et celles que je rencontrerais « dise » Jésus-Christ, non pas forcément par ce que je dirais, exprimerais, mais dans ma manière d’être.
  2. Accueillir le Réel des personnes que je vais rencontrer dans ma journée…

Accueillir aussi le Réel des événements du quotidien sans forcément tout comprendre.

Religieuse de vie apostolique, la dimension sociale de l’obéissance se vit dans l’ordinaire de mes journées. Très concrètement, comment ?

Accueillir le Réel des personnes

M’ouvrir à la réalité de moi-même et des autres, au rythme de chacun, à ce que je peux faire, et de même ce que les autres peuvent faire.

Aujourd’hui, dans cette vie trépidante, où tout va très vite, nos concitoyens ont besoin de parler, ou plutôt d’être écouter… J’entendais à la Maison des Habitants du quartier combien de personnes souffraient de la solitude : des personnes âgées certes, mais aussi des jeunes. Il y a une soif d’Ecoute, une attente. 

Accueillir le Réel des événements du quotidien. Quelques « exemples » :

  • Nous sortons d’une période inédite où nous avons été, tous, quelque soit le pays, le continent, invités à vivre l’obéissance : un virus a quasi paralysé notre planète. Tous nos contemporains ont dû obéir aux consignes gouvernementales de leur pays. Et c’était un acte citoyen pour sauver des vies, « prendre soin » les uns des autres.

Finalement, cette obéissance a donné naissance à un immense acte de Solidarité internationale. Comme le dit M-Laure Durand « l’humanité a fait un saut qualitatif », ou dans cette « Lettre d’Ignace de Loyola en temps de coronavirus » qui a circulé sur les réseaux sociaux : « Obéissez aux médecins, aux scientifiques et aux autorités comme si c’était Dieu lui-même… » ou « … La peur ne vient jamais de Dieu et ne mène pas à Lui… »

  • Il y a quelques années, suite à l’envoi de ma Responsable de congrégation, j’ai dû donner ma démission de mon travail afin de rejoindre ma nouvelle communauté. Or, lorsqu’on démissionnait de son emploi, on ne pouvait recevoir des indemnités de chômage qu’après 4 mois.

Je me suis inscrite à l’Agence pour l’Emploi. Un après-midi, le conseiller de l’ASSEDIC me téléphone pour me demander pourquoi je ne touchais pas cette allocation, de quoi je vivais puisque j’étais célibataire… Je lui explique : « J’ai donné ma démission, donc le règlement ne permet pas de l’avoir. « A force de me questionner, je lui explique que je suis religieuse, donc que nous mettons tout en commun, etc… Et lui de me dire : « Mais, finalement, vous êtes comme les femmes qui donnent leur démission pour suivre leur mari, muté dans une autre région. Je fais le dossier pour que vous puissiez la percevoir ».

J’avais obéi à la Responsable de congrégation. J’avais aussi obéi au décret de Loi. Cet homme, plein d’humanité, intervient par souci de Justice. Et, une nouvelle fois, j’obéis en accueillant sa décision. Je reçois au « centuple », même si je l’avoue, cet acte d’obéissance, je l’ai mal vécu. Je me sentais « au crochet » de la société alors que j’avais, par ailleurs un autre métier où les profs de math étaient les bienvenus…

  • Lien entre Obéissance et Respect de l’autre, des autres.

Notre présence au cœur de la vie nous demande de respecter, d’obéir, à des règlements, des lois, qui sont là pour sauver les plus fragiles.

  • Un prêtre, jésuite, ami, entré en EHPAD me disait : « Tu sais l’obéissance jésuite n’est rien par rapport à l’obéissance que je dois vivre. On nous prend pour des enfants. Impossible d’aller acheter ses médicaments, on ne nous les remet, pas je ne peux même pas lire la notice On nous les distribue avec les repas., Même si on a encore un peu d’autonomie pour se déplacer, on n’a plus aucune initiative…Que c’est donc humiliant… » L’Obéissance au Règlement d’un collectif est parfois très éprouvante même pour un religieux (e).
  • Pour conduire, et c’est pour « prendre soin » les uns des autres, nous avons besoin d’un permis obtenu si nous avons bien répondu au Code de la route ainsi qu’à notre manière de nous comporter en prenant le volant.

Cela ne signifie pas que munie de cette pièce indispensable, je dois conduire comme si j’étais seule. Je dois obéir, respecter un Code.

  • Notre engagement pour un monde juste, sans exclusion, où chacun puisse trouver place dans la société.

Tout baptisé ne peut rester indifférent, silencieux, … Certes avec discernement, réflexion avec d’autres, nous devons nous engager : vie syndicale, vie associative… et même politique… Durant mes longues années à Sallaumines, avec l’association « Droit au Travail », il m’a été donné de rencontrer, « réfléchir », « travailler » avec les politiques… Ce fut très enrichissant, même si cela était loin d’être simple : garder sa Liberté, ne pas se laisse embarquer par tel ou tel parti, etc….

Notre repère était un article (n°23) de la Déclaration Universelle des Droits de l’homme (1948) : « Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage »

Profondément, c’était mettre en pratique la Doctrine Sociale de l’Eglise, obéir à l’Eglise, Depuis 2013, le Pape François ne cesse de nous « enseigner », rappeler que notre place est au cœur de la société qui a pour nom « les Périphéries ». Et c’est indispensable de prendre connaissance, lire, travailler, les différentes Encycliques, ses déclarations….

Par nos engagements tant en société que dans des mouvements, associations en Eglise (CCFD, Secours Catholique, Pastorale des Migrants, etc, etc…) nous sommes de plus en plus compagnons de Jésus-Christ, messagers de la Bonne Nouvelle.

Cette démarche, elle est bien de l’ordre de l’obéissance pour être toujours plus disciple de Jésus-Christ.

Et pour conclure.

Répondre à l’Appel de Jésus-Christ pour Le suivre à la manière du charisme de notre congrégation, demande qu’un travail intérieur se vive, jour après jour, pour « quitter son moi », « sortir de nous-mêmes », donner place à l’Esprit, qu’Il nous « inspire » pour, avec nos concitoyens, construire un monde où l’humanité sera première.

Et je terminerai avec un extrait du discours du Pape, le 23 octobre 2021, à la Fondation Centesimus Annus – Pro Pontifice :

Le Pape a expliqué que les trois mots « solidarité, coopération et responsabilité » sont les pierres d’angle de la doctrine sociale de l’Église « qui considère la personne humaine, naturellement ouverte à la relation, comme le sommet de la création et le centre de l’ordre social, économique et politique ». La pensée économique et sociale de l’Église s’oppose donc à la fois à une dérive « individualiste » mais aussi à la logique « collectiviste »« qui réapparaît aujourd’hui dans une nouvelle version, cachée dans les projets de standardisation technocratique ».

« La doctrine sociale est ancrée dans la Parole de Dieu, afin d’orienter les processus de promotion humaine à partir de la foi en un Dieu fait homme. C’est pourquoi elle doit être suivie, aimée et développée: reprenons la doctrine sociale, faisons-la connaître: elle est un trésor de la tradition de l’Église !

Notre vœu d’obéissance, finalement, est une mise en pratique de la doctrine sociale de l’Église, par l’Écoute des cris du monde, dans le concret de notre vie ordinaire !

24 octobre 2021.

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