Témoignage de Denise, Petite Sœur de l’Ouvrier, Fille du Cœur Immaculé de Marie.
Je vis en communauté avec Marie-Thérèse et Odile, dans l’agglomération de Grenoble. J’ai 66 ans, handicapée depuis ma naissance,
Aujourd’hui, je souhaite partager ce que je vis au niveau de mon handicap, ainsi que les moyens dont j’ai la chance de pouvoir profiter pour y faire face.
A ma naissance, le travail a été très long. J’ai manqué d’oxygène ce qui a provoqué une disparité non négligeable entre mes membres, côté gauche et droit, au niveau mobilité et force. Mes hanches ne sont pas à leur place. Cette malformation congénitale provoque la boiterie et la torsion de la colonne vertébrale.
De plus, j’ai des problèmes sanguins.
J’ai subi des contrôles de l’usure des cartilages des hanches qui m’ont valu des commentaires simples. En 2013, j’ai entendu : « Vos hanches ne sont pas abîmées, vous êtes tordue dans un sens. Si vous vous faîtes opérer, vous serez tordue dans l’autre et vous aurez mal », et en 2018 : « Tu n’as aucun intérêt à être opérée, les cartilages sont en bon état. »
J’ai remercié le Seigneur pour ces paroles qui donnaient Sens à l’abandon de mes emplois en horticulture et en cuisine. J’aimais beaucoup ce que je faisais ainsi que l’ambiance qui y régnait.
En 2016, j’ai appris que je faisais partie des IMC (Infirmes Moteurs Cérébraux), d’où une certaine lenteur et des difficultés de déplacements. Quelques mois plus tard, j’ai vu une amie marcher avec une béquille. Cela m’a donné envie d’essayer. J’en ai parlé en communauté, à mon médecin, qui m’ont encouragée pour la demander. Désormais, ma béquille est ma « copine » qui me permet de marcher plus droite.
Une rhumatologue m’a prescrit des séances de kiné afin d’assouplir les 4 membres. J’ai tout de suite pris rendez-vous avec le kiné ! Tout ce que je peux faire pour me maintenir le plus possible en autonomie, j’accepte. Et ces moments me sont chemins de Mission par les rencontres avec les autres personnes que je retrouve.
Lors d’un séjour chez elle, ma sœur Agnès me fait remarquer que mon pied gauche part de travers. Je ne m’en étais pas aperçue. Quand je revois la rhumatologue, je lui demande si faire du vélo me ferait du bien ? Immédiatement, elle m’encourage : « Oui c’est très bon le vélo ». Pour mon pied, elle m’a conseillé de consulter un spécialiste en Médecine Physique et Rééducation à l’Hôpital-Sud de Grenoble. Je l’ai rencontré après 8 mois et demi d’attente… Il faut être patient, mais ça valait le coup !
De retour à la communauté, je raconte l’échange avec le docteur ainsi qu’à Pierre, un ami, qui vient nous rendre service quand nous avons un problème matériel. Tout de suite, il m’invite à venir chez lui essayer le vélo qu’il a dans son grenier ! S’il va, il me le donne. Il ne s’en sert plus.
Dès le lendemain, Odile m’y conduit. Mais, déception. Pour monter dessus, il faut que je lève ma jambe beaucoup trop haut. Je ne peux pas y arriver si je n’ai pas d’aide. Pourtant je m’amuse comme une gamine à pédaler. Voyant cela, Pierre va pianoter sur internet pour voir s’il existe des choses plus accessibles pour moi. Il repère des vélos. Il se propose de le commander et de venir à la maison l’installer. Auparavant, il me conseille d’essayer en allant dans les magasins.
Du coup, le lendemain, je pars avec Odile « pédaler » en magasin. Finalement, chez Fitness, là miracle, il y a un vélo que je peux utiliser seule. Les cale-pieds sont plus larges. C’est mieux pour mon pied gauche. Je m’amuse en l’essayant. Odile en est toute heureuse. Dans la voiture, elle me dit « On va en parler à M.Thé et à l’Économe. C’est vrai que ce vélo a un coût, 400 euros, mais te connaissant, tu l’utiliseras ». Cette réflexion m’a émue parce qu’un vélo m’a toujours fait rêver. Je revoyais le vélo vert et jaune que mes parents avaient acheté avec de gros efforts financiers et que je n’ai pas pu utiliser par manque d’équilibre. Nous avons eu « le feu vert », et le bon Pierre a commandé, livré, monté et installé le vélo dans ma chambre.
Depuis ce jour-là, j’essaie d’en faire le plus souvent possible. Cela m’aide à avoir un peu plus de souffle, d’équilibre. Ma jambe gauche a augmenté de volume, elle travaille plus qu’avant !
En 2019, je revois le médecin rééducateur qui me regarde marcher. Il me demande ce qui s’est passé. Je lui partage ce que je sais de ma naissance : « ah bon ». Puis il me demande de bouger les orteils. A droite, c’est bon, à gauche rien. Il me laisse avec son assistante qui mesure mes membres. Quand il revient, il a un releveur dans les mains, et me propose d’essayer cet appareil afin de faire fonctionner les orteils gauches. Il rédige une ordonnance pour l’ajouter à mes chaussures orthopédiques, lors du renouvellement de celles-ci en novembre.
En rentrant à la communauté, je suis émue. C’est la première fois qu’un médecin m’écoute vraiment. Il avait tout son temps. J’ai passé 45 mn en consultation. C’était le jour de ma fête. Pour moi, cette rencontre fut un beau cadeau !
Après cette visite, Marie-Thé et Odile me disent de prendre rendez-vous avec l’orthopédiste pour avoir les chaussures. Je réponds que cela fait environ 1 000€ et qu’il n’y aura pas de prise en charge Sécu avant novembre, date du renouvellement. Je prends contact avec le chausseur. Il me propose de mettre un releveur dans les pantoufles : j’accepte. 15 jours plus tard, mes pantoufles neuves sont équipées. L’attelle pèse 180 g. Il faudra deux mois et les vacances pour que ma jambe gauche ne me pèse plus. De temps en temps, mes orteils se rebellent surtout le gros. Pendant plus de soixante-cinq ans ils n’ont pas travaillé. Les mettre au boulot à l’heure de la retraite, c’est de la « maltraitance » !!!! Je ne perds pas espoir qu’ils bougent un jour. A partir janvier, ils seront encore plus « encadrés », ils n’auront que la nuit pour être tranquilles…
Actuellement, je fais 2 séances de kiné par semaine. Cela me prend 3h en comptant les allers et retours. Je pense que c’est important pour conserver le plus longtemps possible mon autonomie et une vie normale. Enfermée tous les jours à la maison, je crois que je serais « infernale ». Pitié pour mes copines de communauté !
Je rends grâce pour cette chance de pouvoir me soigner, m’entretenir en forme. J’ai la possibilité d’utiliser les équipements chez le kiné. Je remercie tous ceux qui ont milité, se sont battus pour que la Sécurité Sociale existe ainsi que pour un système de santé performant accessible à tous.
Il y a eu des loupés à ma naissance. Mais aujourd’hui, je suis guidée par des gens compétents et entourés par des sœurs qui veillent sur moi pas seulement en communauté mais aussi en congrégation. C’est un Cadeau que le Seigneur me fait. Il était là avant que je vienne sur terre. Il est toujours là. Oui pour Lui, nous les personnes handicapées, nous avons du prix à ses yeux et il nous aime.