POURQUOI ce PROJET d’une ÉCOLE de PRODUCTION
Marc, initiateur du projet, en retrace brièvement l’histoire et l’aujourd’hui !
A la rentrée 2013, le Conseil de la Congrégation était saisi par Brigitte et Marc, de la Communauté Vie Chrétienne (CVX), amis-partenaires depuis octobre 1989, d’un éventuel projet qui, depuis le chapitre, puis un temps de retraite, les habitait, Marc entrant en retraite professionnelle en avril 2014 : « Se mettre au service du charisme de la congrégation. »
Cette proposition s’inscrivait dans un « goût » pour la création (« L’homme, créature, créé, créatrice » (F.Varillon), un long cheminement d’amis-partenaires avec Odile, Petite Sœur de l’Ouvrier, dans l’interpellation du pape François aux chrétiens « d’aller au x frontières », dans une amitié ancienne avec Dominique Hiesse (Ex-Président de la CVX), l’un et l’autre ayant collaboré sur différents sujets. Et, Dominique était à l’époque Vice-président de la Fédération nationale des Ecoles de production.
Pour en savoir plus : https://www.ecoles-de-production.com/
Tous ces « courants » et volontés (PSO, ami-partenaires, CVX, Dominique, besoins lensois) et la mise en mouvement de partenaires sur Lens, ont abouti au lancement, début 2015, d’une étude de faisabilité, confiée à un jeune chrétien : Pierre Delannoy, ingénieur de Centrale Lille, rencontré grâce à Xavier Lemblé, prêtre responsable de la Paroisse de Lens. Enfin, il était proposé en parallèle de loger Marc à la Maison paroissiale de Lens (Maison Nicodème) à des conditions de « solidarité » avec le projet.
L’Ecole de Production Automobile de Lens, l’EPAL, est donc un projet collectif, associant la société civile, des entreprises privées, des Petites sœurs de l’Ouvrier, des Fondations et Institutions. « Tous, nous sommes responsables de tous. » (Jean-Paul II)
Un « plus » ! Marc connaît la Région, est très proche de la communauté de Sallaumines. Il connaît le bassin minier pour s’y être investi avec l’association « Pour le Droit au Travail » (Accueil de demandeurs d’emploi de longue durée), depuis 1990 dans la création de différents « outils d’insertion » : atelier d’insertion, association intermédiaire, entreprise d’insertion, entreprise de type classique, etc.
Pour les PSO et Odile en particulier, créer une Ecole de Production dans ce Bassin, complètement laminé par le chômage, c’est vraiment une opportunité afin de permettre à des jeunes en échec scolaire de s’insérer durablement.
Pour Marc introduit dans le monde de l’entreprise, ce projet était une chance, une « grâce » d’être utile et d’innover avec d’autres pour des jeunes en galère, sans qualification, déscolarisés.
Concrètement, Lens et ses 36 communes, anciennes citées minières. 250 000 habitants.
Sallaumines : 10 000 habitants, ville la plus pauvre de France, illettrisme, exclusion …
Après un temps de discernement en équipe CVX, l’Aventure est lancée en septembre 2014 !
Marc, encouragé par Brigitte, investie ailleurs au Hautmont et en Aumônerie d’Hôpital, se donne dans la création de cette Ecole de production au service de jeunes en galères, en échec scolaire. Objectif : leur permettre de décrocher un CAP et retrouver un vrai savoir, être relationnel,….
En ROUTE vers la CRÉATION de l’EPAL
Octobre 2015 : Pierre Delannoy est recruté pour une étude de faisabilité.
Décembre 2015 : dépôt des statuts de l’association, l’Ecole étant un lycée technique privé, hors contrat et donc libre de sa pédagogie qui se résume pour les 25 Ecoles de France aux 3 mots : « Faire pour apprendre » car 70 % du temps d’apprentissage se passe en atelier avec, au bout de quelques mois, un vrai travail de « production » (pédagogique) sur les voitures des clients ; ce qui constitue une motivation considérable pour ces jeunes et donc un élément clé de redressement humain et de mise en mouvement avec l’apprentissage relationnel du savoir être.
Année 2016 – 2018 : 2 refus du Rectorat. La 3ème sera accueillie positivement.
Accueil provisoire, providentiel, de l’Ecole en mars 2017 car le CFA d’Arras, Chambre des Métiers, avec aller-retour quotidien en camionnette Lens-Arras-Lens, et les 8 jeunes.
Opportunité de reprendre une ex-gendarmerie (avec 2 cellules de garde à vue) par Norauto. Mais traces de pollution » détectées sur le site qui empêche la reprise et obstacle à l’acquisition du site par Norauto, qui disparaîtra miraculeusement ( ?) après la recherche sans issue d’autres sites.
Norauto peut alors s’acquitter du site et investir pour les travaux. Avec l’appui de la Région, de la Communauté d’Agglo, des dons exceptionnels, l’EPAL s’installe sur le site de Lens en janvier 2018, avec l’accord du Rectorat.
Pour les jeunes (15-16 ans), tous en décrochage scolaire, un seul critère de sélection à l’entrée, la « motivation » : « Est-ce que cela me plaît ? Est-ce que j’ai envie ? » Et, pendant les 15 premiers jours d’inscription, ils sont en stage d’insertion. Au terme de ce stage, ils décident de poursuivre ou s’en vont.
Deux critères pour l’équipe accompagnatrice (4 salariés et 15 bénévoles) de 16 jeunes actuellement : « bienveillance et exigence. »
Le matin à 8h30, la journée commence par un petit déjeuner, servie par Geneviève, PSO.
« Donnez leur vous-mêmes à manger ». et se termine par le nettoyage par équipes des locaux( respect de l’outil de travail).
Thérèse, autre PSO, assure la couture des vêtements de travail avec l’association « Pour le Droit au Travail », où elle anime l’atelier « couture ».
Aujourd’hui, 14 jeunes se forment, se qualifient et produisent à l’EPAL, pratiquement tous issus de milieux fragiles et habitant l’agglomération de Lens : un travail quotidien d’accompagnement avec désolations et consolations (le sourire qui revient, le merci, les parents fiers qui viennent voir). L’Ecole accueille trois réfugiés : albanais, afghan, soudanais, et un jeune « travailleur » handicapé. »
Tout un courant de solidarité.
Quatre salariés de grand dévouement, tous arrivés au bon moment. Le Conseil d’Administration réunit 13 administrateurs (trices) : ex-enseignants, citoyens, chefs d’entreprise, militants associatifs…
Trois clients par jour, satisfaits le plus souvent de voir des jeunes apprendre et travailler.
La filière Norauto, Renault, Toyota a donné des véhicules pédagogiques. Des entreprises ont versé leur taxe d’apprentissage sans oublier la Région, la Communauté d’Agglo, présentes toutes deux dès 2015.
Une trésorerie positive et des visites de personnalités locales qui viennent voir cette Ecole qui développe petitement mais fièrement aussi une autre manière d’apprentissage.
Marc (67 ans) va chercher un successeur, après ces 5 années et Pierre Delannoy est parti en juillet pour un tour du monde en Asie avec Lucie sa femme. Il laisse la place à Pierre Dussart, 28 ans et nouveau jeune directeur .
Jeunesse de l’équipe pour mieux servir d’autres jeunes en galère, les comprendre et savoir leur parler (génération y).
Les administrateurs réunis en séminaire en avril 2018 ont exprimé leur Vision pour 2025 :
Être reconnu comme un garage école de confiance – Être une référence pédagogique – Être ajusté au besoin du métier – Être une référence auprès des organismes d’orientation – Avoir atteint une taille de croisière de 30-35 jeunes en permanence
Alors tout est en avant (Teilhard)
Pour en savoir plus sur l’EPAL, voir site https://www.facebook.com/EPAL62/
Pierre Delannoy, premier Directeur de l’EPAL, nous partage ce qu’il a vécu, reçu, durant ces trois années.
L’EPAL… Difficile de résumer en quelques mots tout ce que j’y ai vécu durant ces trois petites années…
Il y a d’abord eu la rencontre, improbable, au détour d’un échange de nouvelles avec Xavier, le prêtre de Lens qui allait nous accompagner vers le mariage Lucie et moi. Un « Clin Dieu » peut-être ? S’ensuit la rencontre de Marc, des administrateurs, d’autres Écoles de Production. Le concept semble génial, les personnes impliquées surmotivées, et le projet plein de sens. Pas d’hésitation !
L’année 2016 est, elle aussi, marquée par les rencontres. Éprouvantes parfois, quand le Rectorat ou d’autres institutions semblent freiner des quatre fers ou que la recherche d’un local semble vouée à l’échec et qu’on craint de ne pas voir éclore le projet. Enthousiasmantes souvent quand tant de personnes différentes manifestent de mille manières leur soutien et leurs encouragements. Et le travail en duo avec Marc, l’environnement propice de Droit au Travail et l’engagement des futurs formateurs qui, déjà, réfléchissent à notre approche pédagogique me portent chaque jour. Quel bonheur de voir qu’un tel projet ne naît pas des capacités de l’un ou l’autre mais vraiment d’une volonté commune et des compétences différentes que chacun apporte à sa mesure. Donateurs, entreprises automobiles, partenaires institutionnels ou sociaux, associations, et chaque administrateur avec ses propres aptitudes ou encore bénévole de Droit au Travail qui nous a constitué un fichier de contacts… Chacun a été essentiel pour réaliser cette belle œuvre ! Quel beau signe ! Cela montre de ce que l’Homme est capable de faire, uni. Où est-ce une image diffuse de Dieu que cette communion de tous au service du prochain ? Marc et moi avons la chance d’en être les coordinateurs. Alors on sème peu à peu, patiemment, les graines de la future école….
2017 est le moment de voir germer ces graines. Les premiers jeunes accueillis, les allers-retours en minibus pour les emmener au CFA d’Arras et toute la mécanique qui se met en place pour les accompagner au mieux. Fabrice qui rejoint l’équipe et apporte tellement dans l’approche avec les jeunes, les pédagogies un peu improvisées au début qui prennent de l’assurance peu à peu pour devenir « notre manière de faire ». Si je me suis épanoui durant la phase de pré-création, cette nouvelle étape me passionne. C’est passionnant de découvrir ces jeunes, d’aller à la rencontre, profonde, de vraiment apprendre à connaître leur vie et leur univers si différents du mien ; de me rendre compte de la chance que j’ai eu d’avoir une enfance facile ; de comprendre qu’évidemment, avec ce qu’ils vivent dans leur famille ou avec leur contexte de vie, l’école s’éloigne dans l’ordre des priorités ; de tisser peu à peu un lien de confiance… et de devenir progressivement un grand frère qui veut simplement les accompagner à reprendre confiance dans les autres mais surtout en eux pour s’épanouir et révéler leur potentiel.
Enfin, les combats de 2017 portent leurs fruits en 2018, et nous emménageons à Lens dans les locaux durement acquis de l’ex-gendarmerie. L’équipe s’agrandit avec Amélie qui apporte son expertise dans l’accompagnement au quotidien des jeunes, puis Olivier qui nous permet d’accueillir une seconde équipe de jeunes à l’atelier. Quelle joie de voir enfin l’EPAL exister en tant que telle et devenir le « laboratoire d’expériences pédagogiques » dont on rêvait, de voir les jeunes si fiers de leur travail et d’enfin travailler réellement sur des véhicules clients. Quelle reconnaissance pour eux que ces félicitations du client qui vient rechercher sa voiture ! La grande surprise pour nous est d’ailleurs la facilité à trouver des clients. L’EPAL devient un lieu de rencontre et les gens viennent spontanément apporter leur véhicule mais aussi proposer leurs multiples services. Impressionnant comme un projet positif peut ainsi attirer les bonnes volontés. Tous ces gens sont fiers d’y participer, d’amener leur pierre à l’édifice et de donner du sens à leur réparation automobile.
Depuis le tout commencement, la beauté de ce projet aura été le collectif qu’il a réuni. Et les Petites Sœurs de l’Ouvrier n’ont pas été les dernières à jouer leur rôle dans cette affaire ! Odile avec toute son énergie pour faire bouger les lignes, qui a mené les combats de fronts et insufflé l’énergie nécessaire au franchissement des caps importants, Geneviève qui a accepté d’être une présence active pour les jeunes, une oreille à leur disposition, et Thérèse qui, avec son atelier couture, a permis aux jeunes de porter fièrement leurs couleurs sur leur bleu de travail….
Je salue encore une fois les administrateurs et les formateurs si engagés qui sont la colonne vertébrale de l’EPAL, et, tandis que je me tourne vers d’autres routes, je pars serein, plein de confiance en Pierre qui reprend la direction. Vive l’EPAL, les jeunes qui en sont le corps et la raison d’être, et toutes les personnes engagées qui lui permettent d’exister !